Albert Camus Un Journaliste Engagé


Albert Camus Se Destinait À L'enseignement : Il Se Présente Donc En 1937 À L'agrégation De Philosophie. Il Est Refusé Pour Raison Médicale Car à Cette Époque, On Ne Savait Pas Guérir La Tuberculose. 

Il Cherche Un Autre Moyen De Subsistance Quand Se Présente Pascal Pia.

Quotidien Alger Républicain ( 1937-1940 )

Pascal Pia doit fonder un nouveau journal « Pas comme les autres », concurrent de l'Écho d'Alger : il s'appellera Alger Républicain.

Pia a des idées révolutionnaires sur l'Algérie, qui séduisent le jeune Camus. Il considérait qu'on ne maintenait pas éternellement un peuple en tutelle sur sa propre terre, qu'à travail égal, le salaire d'un Arabe devait être le même que celui d'un Européen, que l'enfant arabe avait droit à l'école et ses parents aux lois sociales.

La structure du journal étant réduite, les employés occupaient tous les postes. Ainsi, Camus va des faits divers aux éditoriaux en passant par les critiques littéraires et les grands reportages. On peut dire qu'Alger Républicain a été son école pour le journalisme.

Le métier de reporter lui a inculqué le sens du concret et le dégoût de la formule hermétique. Les articles de Camus tranchent violemment sur ceux de la presse conformiste algérienne. 

Cette différence est notamment visible dans trois affaires qu'il a couvertes :

— L'affaire Hodent : Il prouve qu'un commis de ferme est innocent du vol dont l'accuse un richissime colon.
— L'affaire El Okby : Il démontre l'innocence d'un Musulman inculpé d'assassinat sur ordre des Pouvoirs.
— L'affaire de la Marinière : Il s'insurge contre les conditions de transport des forçats français.
Le Gouvernement Général trouve insupportable le style de Camus dans son grand reportage « Enquête en Kabylie », publié en 1939. « Il est méprisable de dire que le peuple Kabyle s'adapte à la misère.

Il est méprisable de dire que ce peuple n'a pas les mêmes besoins que nous...

Il est curieux de voir comment les qualités d'un peuple peuvent servir à justifier l'abaissement où on le tient et comment la frugalité proverbiale du paysan Kabyle est appelée à justifier la faim qui le ronge.

» Suite à cette série d'articles, une censure est mise en place qui aboutira à l'exclusion de Camus du journalisme algérois ; de plus, il ne pourra retrouver de travail à Alger.

Il fait de nouveau appel à Pascal Pia qui lui trouve un emploi à Paris en 1940.


Cette expérience journalistique à Paris-Soir sera brève puisque le quotidien cristallise tout ce que Camus déteste : Paris-Soir privilégie le sensationnel au détriment de l'information et de l'analyse.

« Sentir à Paris-Soir tout le coeur de Paris et son abject esprit de midinette. »

Journal Combat
Avant d'être un journal clandestin puis un quotidien parisien, Combat était un mouvement de résistance.

Il semble que Camus soit entré à Combat dès 1942, mais il est difficile d'évaluer sa participation au journal clandestin puisque les articles n'étaient pas signés, ou l'étaient de pseudonymes. 

Toutefois, on lui en attribue deux avec certitude :

un avertissement contre l'inertie, le manque d'engagement.
un compte-rendu de l'exécution par les Allemands de 26 hommes en représailles au déraillement d'un train.

Le 24 Août 1944 paraît le premier numéro diffusé librement.

De tous les journaux diffusés à cette époque, Combat est le seul qui envisage les lendemains de la bataille et répudie la violence pour elle-même.

L'éditorialiste Albert Camus entreprend beaucoup de luttes en 1944-1945, notamment le drame de l'épuration et la position difficile à adopter vis-à-vis du Parti Communiste.


En toutes choses, il essaie de garder mesure et retenue.

Il est édifiant de remarquer que de tous les quotidiens, Combat est le seul à avoir parlé d'Hiroshima le 8 Août 1945 : « Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »

De plus, il se fixe pour but d'assainir la presse sur laquelle il aime polémiquer en fustigeant la « futilité des informateurs ».

Il préconise une charte de la presse, dont voici un extrait :

 « Informer bien au lieu d'informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire approprié, instaurer un journalisme critique et en toutes choses, ne pas admettre que la politique l'emporte sur la morale ni que celle-ci tombe dans le moralisme. »

Cette dernière expérience s'inscrit dans la continuité d'Alger Républicain.

Il considérait son métier de journaliste comme aussi noble que celui de romancier ou d'auteur dramatique.

Albert Camus donnera une dernière contribution au journalisme en 1955 et 1956 à L'Express par nostalgie de l'esprit d'équipe et de l'atmosphère d'urgence des salles de rédaction. 

Enfin, le journalisme lui a permis de puiser dans l'actualité la matière première de ses créations.



Aron O’Raney