La Méditation



Pour être débarrassé de mes exigences intérieures, de mes désirs et de mes satisfactions, il me faudrait reprendre une investigation en moi-même et comprendre toute la nature de mon désir. 

Toute Demande Intérieure Provient D'une Dualité : « Je Suis Malheureux, Je Voudrais Être Heureux. » 

En cette aspiration : « Je veux être heureux » est un état malheureux, de même que lorsqu'on fait un effort vers le bien, en cette vertu est le mal. 

Toute affirmation contient son opposé, et tout effort renforce ce que l'on veut surmonter. 

Lorsque vous désirez l'expérience du vrai ou du réel, cette demande émane de votre manque de satisfaction au sujet de ce qui « est », et crée, par conséquent, son contraire. 

Et dans ce contraire se trouve ce qui a été. 

Nous Devons Nous Libérer De Ces Incessantes Demandes, Autrement Il N'y Aurait Pas De Fin Au Couloir De La Dualité. 

Cela veut dire se connaître soi-même si complètement que l'on ne cherche plus.

On a, en cet état, un esprit qui n'appelle pas l'expérience ; qui ne veut pas être provoqué ; qui ne connaît pas la provocation ; qui ne dit ni « je dois », ni « je suis éveillé » ; qui est complètement ce qu'il « est ». 

Ce ne sont que des esprits frustrés, étroits, creux, conditionnés, qui recherchent le « plus ». 

Peut-on vivre en ce monde sans le « plus », sans ces sempiternelles comparaisons ? 

Assurément, c'est possible. Mais on doit l'apprendre par soi-même. 

Mener Une Enquête Dans Toute Cette Sphère, C'est Méditer. 

Ce mot a été employé, en Orient et en Occident, d'une façon malheureuse. 

Il existe différentes écoles et différents systèmes de méditation. 

Certaines écoles disent : « Observez le mouvement de votre gros orteil, observez-le, observez-le, observez-le », d'autres recommandent que l'on s'assoie dans certaines postures, que l'on respire régulièrement, ou que l'on s'exerce à être lucide. 

Tout cela est purement mécanique. 

Une autre méthode consiste à vous donner un certain mot et à vous dire que si vous le répétez très longtemps, vous aurez une expérience transcendantale extraordinaire. 

C'est une absurdité. C'est de l'auto-hypnotisme. 

Il est certain qu'en répétant indéfiniment Amen, Om, ou Coca-Cola, vous aurez une certaine expérience, parce qu’au moyen de répétitions on se calme l'esprit.

C'est un phénomène bien connu en Inde depuis des milliers d'années, que l'on appelle Mantra-Yoga. 

Avec des répétitions vous pouvez inciter votre esprit à être aimable et doux, mais il n'en sera pas moins un petit esprit mesquin, misérable. 

Vous pourriez aussi bien placer sur votre cheminée un morceau de bois ramassé dans le jardin et lui présenter tous les jours une fleur en offrande. 

Au bout d'un mois, vous seriez en train de l'adorer, et ne pas lui offrir une fleur serait un péché.

La Méditation Ne Consiste Pas À Suivre Un Système ; Ce N'est Pas Une Constante Répétition Ou Imitation ; Ce N'est Pas Une Concentration.

Une des méthodes favorites de certaines personnes qui enseignent la méditation est d'insister auprès de leurs élèves sur la nécessité de se concentrer, c'est-à-dire de fixer leur esprit sur une pensée et d'expulser toutes les autres. 

C'est la chose la plus stupide, la plus nocive que puisse faire n'importe quel écolier, lorsqu'on l'y oblige. 

Cela veut dire que pendant tout ce temps on est le lieu d'un combat entre la volonté insistante de se concentrer et l'esprit qui vagabonde, tandis qu'il faudrait être attentif à tous les mouvements de la pensée, partout où elle va. 

Lorsque votre esprit erre à l'aventure, c'est que vous êtes intéressé par autre chose que ce que vous faites.

La méditation exige un esprit étonnamment agile ; c'est une compréhension de la totalité de la vie, où toute fragmentation a cessé, et non une volonté dirigeant la pensée. 

Lorsque celle-ci est dirigée, elle provoque un conflit dans l’esprit, mais lorsqu'on comprend sa structure et son origine — que nous avons déjà examinées — elle cesse d'intervenir. 

Cette compréhension de la structure de la pensée est sa propre discipline, qui est méditation.

La méditation consiste à être conscient de chaque pensée, de chaque sentiment ; à ne jamais les juger en bien ou en mal, mais à les observer et à se mouvoir avec eux. 

En cet état d'observation, on commence à comprendre tout le mouvement du penser et du sentir. 

De Cette Lucidité Naît Le Silence.

Un silence composé par la pensée est stagnation, une chose morte, mais le silence qui vient lorsque la pensée a compris sa propre origine, sa propre nature et qu'aucune pensée n'est jamais libre, mais toujours vieille, ce silence est une méditation où celui qui médite est totalement absent, du fait que l'esprit s'est vidé du passé.

Si vous avez lu ce livre attentivement pendant une heure, c'est cela, la méditation. 

Si vous n'avez fait qu'en extraire quelques mots et que rassembler quelques idées afin d'y penser plus tard, ce n'est pas de la méditation.

La méditation est un état d'esprit qui considère avec une attention complète chaque chose en sa totalité, non en quelques-unes seulement de ses parties.

Et Personne Ne Peut Vous Apprendre À Être Attentif. 

Si un quelconque système vous enseigne la façon d'être attentif, c'est au système que vous êtes attentif, et ce n'est pas cela, l'attention.

La Méditation Est Un Des Arts Majeurs Dans La Vie, Peut-Être « L'art Suprême », Et On Ne Peut L'apprendre De Personne : 

c'est sa beauté. Il n'a pas de technique, donc pas d’autorité. 

Lorsque vous apprenez à vous connaître, observez-vous, observez la façon dont vous marchez, dont vous mangez, ce que vous dites, les commérages, la haine, la jalousie — être conscients de tout cela en vous, sans option, fait partie de la méditation.

Ainsi la méditation peut avoir lieu alors que vous êtes assis dans un autobus, ou pendant que vous marchez dans un bois plein de lumière et d'ombres, ou lorsque vous écoutez le chant des oiseaux, ou lorsque vous regardez le visage de votre femme ou de votre enfant.

Comprendre Ce Qu'est La Méditation Implique L'amour : 

l'amour qui n'est pas le produit de systèmes, d'habitudes, d'une méthode. 

L'amour ne peut pas être cultivé par la pensée ; mais il peut — peut-être — naître dans un silence complet en lequel celui qui médite est entièrement absent. 

Un esprit ne peut être silencieux que lorsqu'il comprend son propre mouvement en tant que penser et sentir, et, pour le comprendre, il ne doit rien condamner au cours de son observation.

Observer de cette façon est une discipline fluide, libre, qui n'est pas celle du conformisme.

« Se libérer du connu » 
Extrait Ch.15 — Stock 1977.


— Jiddu Krishnamurti —